Décembre 2020, période hivernale, fatigue des jeunes et des adultes, le terrain est propice aux tensions. Lors d’un cours d’une collègue, une élève explose de colère et dérape. Branle-bas de combat à tous les étages. Le rapport avec les classes octofun ? L’élève, dans la 5ème octofun, fait justement partie de la 1ère promotion des classes de 6ème octofun…Aïe, Aïe, Aïe.
Des murmures, des chuchotements circulent … « Qu’est-ce qu’ils font en cours octofun ? A force d’écouter les élèves, voilà ce qui arrive. Les élèves doivent obéir au cadre ». L’affaire va être complexe à gérer avec les collègues. En effet, lors d’un conflit, rien n’est binaire, tout est affaire de nuance. Pas toujours facile d’accepter que les torts soient partagés entre l’élève et l’enseignant.
La jeune , venue me voir juste après son explosion de colère, avait dans un climat de confiance, exposé brièvement l’enchainement des faits. C’est ça, entre autre, une classe octofun … développer la sincérité entre le jeune et l’adulte quelque soit les actions commises.
Malheureusement, les choses s’emballent, la colère enfle parmi des adultes…le conseil de discipline est brandi comme la solution à tous les problèmes. Et oui, un raccourci est souvent fait : conseil de discipline = exclusion définitive du jeune = problème résolu. Pas le choix, pour apaiser le climat, la jeune doit passer en conseil de discipline.
Pour moi, un bref moment de doute… de quel côté suis-je ? les jeunes ? mes collègues ? Quelles valeurs je défends ? Qu’est-ce qui m’anime ? Quel est le sens de mon travail ? Dois-je défendre coût que coûte le projet octofun ? Heureusement, ces questions ont rapidement trouvé leur réponse… Je suis, corps et âme, là pour accompagner les jeunes, leur permettre de grandir, d’expérimenter, de comprendre, de trouver leur voie et leur place dans la société. Alors, tant pis, ma décision est prise : j’accompagne la jeune dans la préparation de son conseil de discipline. C’est elle qui va apporter la nuance et se montrer plus adulte que certains.
Toutes les deux, nous travaillons sur l’enchainement des faits, je lui fais prendre conscience de tous les petits gestes, paroles de sa part qui ont conduit à l’escalade. Nous débriefons sur les réactions (paroles, gestes) de la collègue. Nous listons, pour chaque micro-évènement, toutes les solutions possibles pour stopper la montée de violence. Il s’agit d’apprendre à partir de cette expérience et d’avoir, désormais, au fond d’elle, un stock de solutions si une situation similaire se représente. De transformer la violence en une expérience de vie, de la faire grandir.
Finalement, elle décide de sa propre sanction car, elle souhaite de tout coeur continuer sa scolarité au collège. Nous décidons de proposer 11 heures de colle correspondant aux 11 moments où elle n’a pas su arrêter l’emballement de la machine. Ces heures lui permettront de poursuivre, avec moi, son travail de réflexion.
Dernière étape… la préparation orale. Comme pour un exposé, son discours est rédigé et je l’entraine à s’exprimer à l’oral, à amener de l’émotion. Pour elle, l’enjeu est de taille. Il faut faire basculer le jury. Et puis, comme une adulte responsable de ses gestes, à l’âge de 12 ans, elle entre dans la salle du conseil de discipline. La porte se ferme.
Nuit noire, partant du collège, seule dans ma voiture , j’ai confiance en elle, je sais qu’elle va sortir la tête haute de cette expérience.